Drépanocytose en Martinique

La maladie au début des années 60

En Martinique, l’équipe de médecine générale dirigée par le Dr Michel YOYO se trouve confrontée en 1962, à 3 cas suggérant l’hypothèse diagnostique d’une hémoglobinopathie.
La confirmation a été apportée par le résultat de l’électrophorèse de l’hémoglobine ; technique pratiquée depuis 1961 par le laboratoire CASSIUS DE LINVAL.
C’est l’émergence d’une pathologie, jusque-là méconnue à la Martinique. La « redécouverte » de la drépanocytose a été à l’origine de travaux de recherche épidémiologique. Les premiers résultats furent présentés par le Dr YOYO au congrès de la Société Médicale Antilles Guyane, S.M.A.G., de 1962. Cette même année vit la création de l’Association Antillaise de Lutte contre la Drépanocytose, A.A.L.D. Les 3 cas cliniques évoqués révélaient déjà le polymorphisme caractéristique de la pathologie.

De la passion de la recherche… à l’organisation des soins

Une meilleure compréhension des symptômes de la drépanocytose et la mise en œuvre de soins adéquats sont allés de pair avec une collaboration plus étroite entre le laboratoire CASSIUS DE LINVAL, le Dr Michel RIBSTEIN et le Dr YOYO, ainsi qu’avec les pays de la Caraïbe et les États unis. Dès lors, les premières prises en charge thérapeutiques de la drépanocytose débutèrent. Au cours de la période allant de 1962 à 1970, la SMAG et l’A.A.L.D,deviennent des outils de transmission, de formation et d’éducation sanitaire pour le corps soignant sur le bassin Antillo-Guyanais. À cette époque le Dr YOYO quipartage son activité professionnelle entre le public et le privé, décide de se consacrer exclusivement à l’hôpital. Dans le même temps, la prévention scolaire commença.

Une possible prévention

Compte tenu de la prévalence de la drépanocytose, la formation des décideurs au premier rang desquels la Sécurité Sociale, le Conseil Général et la DDASS s’avéra être une démarche capitale. En conséquence, l’accent a été mis prioritairement sur le dépistage et plus spécifiquement lors des grossesses ; la question de la prise en charge par la Sécurité Sociale du coût de l’électrophorèse de l’hémoglobine fut un obstacle qu’il importait de résoudre au plus tôt.

En 1980, une convention est signée avec le Conseil Général pour créer un « Centre de grossesses à risque ». Cette structure préventive assura à la fois le conseil génétique des couples à risque et le suivi des parturientes drépanocytaires et les actions de prévention primaire menées reposèrent sur :

  1. le dépistage des porteurs du trait drépanocytaire
  2. la détection des couples à risque d’avoir un enfant malade et
  3. l’information du grand public.

Par ailleurs, la collaboration avec l’équipe du professeur HENRIOT de la maternité Baudelocque, en région parisienne et le CHU de Créteil a rendu possible les diagnostics anténatal et néonatal, dès 1968.

Les parturientes martiniquaises étaient néanmoins contraintes de se rendre dans l’Hexagone, après un accord de prise en charge par la Sécurité Sociale, pour bénéficier de la biopsie du trophoblaste.

L’évolution

Parallèlement, le suivi des patients s’est organisé avec la médecine de ville autour de 3 notions fondamentales :

  1. la crise drépanocytaire est une urgence,
  2. les infections constituent un risque majeur,
  3. le suivi régulier en consultation est un impératif.

À cet égard, toutes les structures
hospitalières contribuèrent activement à la prise en charge des patients ;
 toutefois, l’expertise relevait de la compétence des équipes du Centre Hospitalier du LAMENTIN, considéré comme structure référente.

Au sein de cet établissement, s’est constituée de façon collégiale une équipe volontaire au service d’une population drépanocytaire, mobilisant l’ensemble des spécialités médicales. L’attribution de 5 lits d’urgence réservés aux patients drépanocytaires future réponse adaptée aux besoins de soins spécifiques.
La technique de prélèvement sur le sang du cordon a contribué à généraliser le dépistage néonatal.

LE C.A.R.D. Centre d’Accueil et de Recherche pour la Drépanocytose

En 1975, commence une collaboration étroite entre Dr YOYO, le Pr ROSA et le futur Pr GALACTEROS ; celle-ci aboutit, en 1980, à la création du C.A.R.D., une structure indépendante assurant pour la première fois la prise en charge globale d‘une maladie chronique aux Antilles,

  • regroupant différentes spécialités autour du patient,
  • le développement de la recherche de laboratoire autour de l’hémoglobine,
  • l’initiation de programmes recherche à l’INSERM,
  • l’apport de réponses concrètes aux patients et à leur famille.

Dans le cadre d’une convention passée entre le Conseil Général et le CHL, il a été convenu contractuellement la mise à disposition d’une infirmière, d’un enseignant et d’une assistance au sein du C.A.R.D..
L’évolution médicale autour de la drépanocytose a conduit, en 1984, à la création de la première Association Des Drépanocytaires de la Martinique (A.D.D.M.). Cette dernière a bénéficié de soutien spontané de mécènes tels que le Lion’s Club.
Par son implication, ce mécénat a permis de sensibiliser le grand public à la problématique de la drépanocytose et notamment à faire tomber bien des préjugés autour de cette pathologie.

Les croyances occultes («sang sale », «maladi voyiè») fortement ancrées dans nos sociétés hypothèquent l’impact du message autour de l’éducation sanitaire auprès du grand public.

Du C.A.R.D. au Centre Intégré de la Drépanocytose C.I.D.

L’avant-projet de création du C.I.D. a été conçu et impulsé sur l’initiative du Dr YOYO, en août 1996. Le C.I.D. a ouvert ses portes en décembre 1999 au Centre Hospitalier du Lamentin, assure la prise en charge globale des patients enfants et adultes sur le plan, médical, social, psychologique et de l’éducation sanitaire.

Le CID est un établissement de type ambulatoire, dont l’activité totalement programmée.

En juillet 2006, le C.I.D. a été labellisé, centre de référence commun avec le centre de la Guadeloupe ; la structure initialement sur un site unique (au centre hospitalier du Lamentin-Bourg), est aujourd’hui composée du centre de référence de la drépanocytose Enfants à la Maison de la Femme de la Mère et de l’Enfant (MFME) et du centre Adultes situé à la Cité hospitalière de Mangot Vulcin au Lamentin.

À ce jour, près d’un millier de patients, du nourrisson à l’adulte, sont pris en charge. À ce titre, une procédure est mise en place à l’échelle départementale. Elle garantit l’acheminement de tous les prélèvements sanguins, issus des structures (publiques et privées) vers le laboratoire expert du Centre Hospitalier du Lamentin, pour l’analyse de l’hémoglobine.
Enfin, il importe de préciser l’engagement de l’ensemble du personnel aux missions de la structure et son dévouement aux patients.

L’avenir de la Drépanocytose passe nécessairement par la pertinence et l’opportunité d’une structure aux moyens plus adaptés aux besoins actuels ; des éléments de réponse devraient être apportés par la nouvelle organisation médicale du territoire en Martinique.

 Dates clés

1962 : Début de la prise en charge de la drépanocytose par le Dr YOYO.

1975 : Prise en charge de la maladie par la Sécurité Sociale, ALD 100%.

1977 : 1er symposium international les 7 et 8 avril à LA TRINITÉ : La drépanocytose aux Antilles 1980. Création du Centre d’Accueil et de Recherche sur la Drépanocytose, C.A.R.D.

1983 : Prise en charge du diagnostic anténatal par la Sécurité Sociale.

1984 : Systématisation du dépistage néonatal. Création de l’Association Des Drépanocytaires de la Martinique, A.D.D.M.

1999 : Ouverture du C.I.D. : secteurs enfants et adultes sur un site unique au Centre hospitalier du Lamentin-bourg.

2006 : Labellisation centre de référence centres Martinique et Guadeloupe.

200x : Labellisation centre de compétence Guyane.

2011 : Déménagement du C.I.D. : secteur enfants à la M.F.M.E. au CH Pierre Zobda Quitman à Fort-de-France et secteur adultes à la Cité hospitalière de Mangot Vulcin au Lamentin.

Les traitements transfusionnels par érythraphérèse.

L’érythraphérèse est la forme moderne de la saignée pratiquée dès l’antiquité et qui a eu ses heures de gloire du XVIe au XVIIIe siècle.
L’intérêt de l’érythraphérèse dans le traitement transfusionnel de la drépanocytose est multiple pour le patient; plus efficace et plus sûre, elle est maintenant réalisable dans les centres de la drépanocytose de la Martinique ; l’analyse du coût / bénéfice doit tenir compte de l’amélioration indéniable de la qualité de vie des patients.

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